J'ai survolé rapidement l'actualité sur la grève de la construction au Québec. Mon intérêt sur la question s'est amplifié suite à un résumé de la situation fait par des salariés de la construction de mon entourage manifestement, très au courant du dossier. Voici, un exemple de ce qu'ils avaient à dire :
"Le gouvernement veut nous imposer des règles ridicules. Par exemple, ils ne veulent pas qu'on aille travailler le samedi si on a manqué des journées pendant la semaine à cause du mauvais temps."
J'ai demandé de confirmer si c'était bien le gouvernement qui voulait ça et on a répondu par l'affirmative : le gros méchant loup, c'est le gouvernement !
Je ne mets pas tous les travailleurs de la construction dans le même bateau mais c'est quand même fascinant de constater que des personnes directement concernées n'ont absolument aucune idée de la situation. Quand on voit que des gens ne prennent jamais la peine de se renseigner sur quoi que ce soit, il n'est pas étonnant qu'on réussisse à nous passer des sapins si facilement.
Je sais que ma connaissance du sujet est très limitée mais je vais résumer ce que j'ai compris.
En gros, il y a des négociations entre, d'un côté les employeurs (les contracteurs) et de l'autre, les travailleurs (les syndicats) - pas le gouvernement. Ils ne s'entendent pas sur certains points et les travailleurs (ou les syndicats) ont décidé d'aller en grève. Les principaux points en litige varient mais concernent les salaires, les horaires, les heures supplémentaires, la mobilité de la main-d'oeuvre, la conciliation travail-famille.
Les points qui reviennent souvent sont les revendications des employeurs (les contracteurs) :
ils veulent que les travailleurs débutent leur journée de travail entre 5h et 11h du matin, selon le bon vouloir quotidien de l’entrepreneur;
ils veulent que les travailleurs soient obligés de travailler le samedi à taux simple si le mauvais temps (ou autre) a forcé la fermeture d'un chantier durant la semaine ou simplement si le contracteur a pris du retard sur l'échéancier;
ils veulent que certaines heures supplémentaires actuellement payées temps double, soient dorénavant rémunérées à temps et demi.
Du côté des travailleurs (les syndicats) :
ils amènent le thème de la conciliation famille-travail comme une préoccupation des travailleurs (d'où l'objection du travail obligatoire le samedi);
ils veulent que les travailleurs aient droient à la rétroactivité sur le paiement des salaires.
Pour la rétroactivité des salaires, voici ce que j'en comprends :
La convention collective des salariés de la construction a pris fin le 30 avril 2017. Donc, il n'y a actuellement aucun contrat de travail en vigueur. Mais quand le nouveau contrat de travail sera signé, les salariés n'auront pas droit rétroactivement à leur nouveau salaire selon la nouvelle convention. Ce qui fait dire aux syndicats que les employeurs ont tout intérêt à faire traîner en longueur les négociations pour économiser sur les salaires à verser. Les syndicats veulent donc que les travailleurs aient droit à la rétroactivité sur leur paye pour que les employeurs n'aient plus avantage à faire durer le conflit.
Là où le gouvernement entre en jeu est par l'imposition possible d'une loi spéciale pour terminer la grève et forcer le retour au travail des employés. En gros, il intervient pour régler le conflit entre les 2 parties qui n'y arrivent pas. Et le gouvernement pourrait finir par trancher sur les points en litige.
Donc, dans toute cette histoire, on peut être d'accord avec les employeurs, d'accord avec les employés, trouver que d'un côté ou l'autre, on exagère... peu importe.
Par contre, j'aimerais plutôt en profiter pour amener certaines réflexions :
Est-ce que les travailleurs de la construction ont des conditions supérieures à bien d'autres salariés dans d'autres secteurs ?
Tout-à-fait.
Est-ce que les salariés dans d'autres secteurs ont dû, eux aussi, perdre certains acquis par le passé ?
Indéniablement.
Est-ce que les travailleurs de la construction sont des privilégiés, des "gros bébés gâtés qui ne pensent qu'à eux" ?
Peut-être, je l'ignore.
Mais au final, est-ce qu'on trouve que les travailleurs de la construction exagèrent de vouloir protéger leur qualité de vie parce que nous, nous avons échoué à protéger la nôtre ?
Est-ce qu'on trouve qu'il serait temps que les employés de la construction arrêtent de ne penser qu'à eux en défendant leurs acquis parce que nous avons omis, nous-mêmes, de défendre nos propres droits ?
Est-ce qu'on trouve qu'il est indécent de les voir se battre alors que d'autres sont bien plus à plaindre parce que nous refusons nous-mêmes de nous battre ?
Certains prétendent que les coûts au niveau de la construction sont bien trop élevés par rapport à d'autres endroits. Oui. Mais qui en bout de ligne en bénéficie le plus ? Les entrepreneurs ? Les employés ? Les syndicats ? Le gouvernement ? Pas nécessaire de trouver la réponse, faisons payer les employés et le problème sera réglé ?
Parce que je m'interroge aussi : est-ce possible qu'à quelque part, on ait une "crotte sur le coeur" par rapport au domaine de la construction et qu'on veut que "quelqu'un paye" ?
Et je me demande si on réalise que, doucement mais sûrement, c'est l'ensemble de la population qui est en train de perdre du terrain sur à peu près tous les fronts.
Bien sûr qu'on essaie en douce de nous faire comprendre, sans en avoir l'air, que les employés de la construction exagèrent. Si l'opinion publique n'est pas en leur faveur, on pourra facilement les "ramasser" avant de s'attaquer à d'autres secteurs pour leur faire subir le même procédé...
Quand on va s'attaquer à d'autres secteurs, y a-t-il des chances que les travailleurs de la construction les appuient quand eux-mêmes n'auront senti que de l'indifférence face à leur cause ?
Ne réalise-t-on pas que la même façon de faire est employée dans plusieurs situations ? Blâmer ceux qui revendiquent, orienter l'opinion publique pour que ce soit eux qui aient l'air des "gros méchants" ou des "bébés gâtés" et pendant ce temps-là, on fait ce qu'on veut, on prend ce qu'on veut et personne ne s'interpose puisqu'on a bien réussi à monter tout le monde, les uns contre les autres. La grève étudiante, ça vous dit quelque chose ?
Ce n'est pas les exemples qui manquent : rappelons-nous du cas des assistés sociaux il y a de ça, pas si longtemps. On a commencé par nous parler en douce de tous les cas de "fraudeurs du BS", on a bien fait rentrer dans la tête des gens qu'il y avait énormément d'abus de ce côté pour bien éveiller la haine vis-à-vis d'eux. Dès lors, on a mis sur pied un genre "d'escouade d'enquêtes" ou les fameux "Boubou Macoutes" ayant comme mission
Et la roue tourne, et la situation se répète et tout le monde finit par perdre, et ce, dans l'indifférence quasi-totale quand ce n'est pas dans le plaisir pour ceux qui ont ENFIN l'impression que justice a été faite puisqu'on a fini par retirer des avantages à ceux qu'ils considéraient en meilleure position qu'eux...
C'est drôle, on dirait qu'on ne se rappelle déjà plus de la commission charbonneau où on a vu déambuler pendant des mois des entrepreneurs sans scrupule et malhonnêtes. C'est drôle qu'on oublie l'étendue de la corruption qui nous a été dévoilée dans le secteur de la construction à ce moment-là. Où sont-ils tous ces corrompus qui s'en sont mis et qui continuent de s'en mettre plein les poches à nos dépens ? Où est notre indignation pour tous ces gens qui s'en sont sortis, pour la plupart, indemnes ? Il me semble que ça n'a pas l'air de déranger beaucoup de monde, du moins, je ne vois pas vraiment d'action pour rectifier la situation. Par contre, il y a des travailleurs d'un secteur, possiblement privilégiés par rapport à d'autres, j'en conviens, qui essaient de conserver leur qualité de vie et c'est suffisant pour que certains soient tout simplement outrés !
Comment ça se fait qu'on considère normal que des salariés travaillant fort, faisant un travail utile n'aient pas droit à de bonnes conditions de travail, peut-être même de meilleures conditions que la moyenne ? Mais pendant ce temps, par exemple, il y a certains fonctionnaires qui ont des emplois à toute fin pratique, inutiles, qui ne travaillent pas vraiment ou si peu, à gros salaires, avec des conditions de rêve et là, tout est parfait ? Je vois personne descendre dans la rue en disant : un instant, avant de couper dans les avantages de travailleurs honnêtes, occupons-nous de couper les emplois inutiles au sein de la fonction publique ? Ou avant de couper dans les avantages de travailleurs honnêtes, arrêtons de faire rentrer des migrants à pleine porte en leur donnant autant, sinon plus, qu'à ces mêmes travailleurs ?
Où est notre jugement ? Est-ce simplement par jalousie les uns envers les autres qu'on ne se soutient pas ? Je comprends qu'on a soif de justice et d'équité, mais est-ce que la justice et l'équité se font uniquement en tirant tout le monde vers le bas ? Et on n'a pas envie de comprendre qu'on en tous en train de se tirer nous-mêmes dans le pied ?
Qu'est-ce que ça nous prend au juste ? On ne sera rassuré que lorsque tout le monde sera à genoux ? Va-t-on être plus heureux lorsque tous les "petits contribuables" que nous sommes aurons perdu toute qualité de vie ?

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